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Parchemins Oubliés de Février - Magie
Auteur : Scram (Laurent Vidal)

 

 

 

 

Récit de l'Aventure

Echelias savait à quel point la soif de destruction de Kraak était intarissable. Peut-être les armées du pays, en prenant le temps de se renforcer, pourraient le contenir un moment, mais pour combien de temps ? Contre lui, les moyens militaires s'étaient toujours révélés insuffisants par le passé, et n'avaient servi qu'à grossir ses armées. De toutes façons, cela n'était pas de son ressort. Seule la magie avait ses chances face à Kraak, et la magie, c'était le domaine d'Echelias. Mais ce dernier ne voyait que l' "Orbital" qui soit en mesure de l'aider. Sans ce sort, l'issue d'une confrontation directe serait non seulement insuffisante, mais sans aucun doute fatale; et en reprenant conscience de l'endroit où il se trouvait, en parcourant des yeux les ruines de ce qui fut autrefois l'un des hauts-lieux de l'enseignement théurgique, il réalisa alors que le nombre de mages qui auraient pu l'aider dans une telle entreprise était désormais sérieusement réduit. Qui sait s'il n'aurait pas en plus à affronter leurs spectres ? Non, la seule chose à faire était encore plus désespérée : il fallait reconstituer l' "Orbital", retrouver les quinze morceaux de parchemin.

Ignus n'osait pas déranger le vieux sage, totalement absorbé par ses pensées depuis plusieurs minutes, et restait à quelques pas derrière lui. Mais quand celui-ci lui fit part de sa décision, et lui demanda d'aller porter la nouvelle à Gharid, puis de là aux seigneurs respectifs des comtés de Fog, de Dilnen, et de Rig, le sang d'Ignus ne fit qu'un tour.
--- Non, s'il y a un combat ou une action quelconque à mener contre les assassins de mes frères, il est de mon devoir d'y prendre part. Quoi que tu puisses dire, je t'accompagnerai, et tu le sais. Il faut que justice soit rendue. De plus, nous pourrons mander des messagers à la première auberge rencontrée.
Echelias soupira, puis lui fit signe de le suivre vers l'entrée, ou ce qu'il en restait, de l'université. Devant une telle détermination, il savait qu'il était inutile d'insister, d'autant plus qu'il s'agissait visiblement pour lui d'une question d'honneur. D'honneur ou sans doute d'autre chose. Il espérait pourtant le faire changer d'avis au cours du voyage.
Ils s'arrêtèrent un instant dans le grand amphithéâtre. Le soleil de l'après-midi brillait là où se trouvait trois jours plus tôt l'un des plafonds à caissons les plus richement décorés de tout le continent. Le vieil homme pensa avec nostalgie aux jours anciens où, encore novice, il avait lui-même étudié dans cet endroit. Aujourd'hui, il n'y avait là que le résultat de combats magiques particulièrement violents.Ils descendirent ensuite un escalier et suivirent un long couloir pour se retrouver dans la bibliothèque de l'université. Ici aussi, les dégats étaient nombreux; les derniers défenseurs avaient dû s'y réfugier pour préserver le sort "Orbital". Néammoins Echelias espérait que les nécromanciens n'avaient pas tout détruit. Il avait raison. Nombre de parchemins, certains à moitié calcinés, se trouvaient éparpillés sur le sol. Malheureusement la plupart étaient soit des sorts mineurs, soit des commentaires purement spéculatifs sur des aspects divers de la magie ou de la médecine. Ignus, de son côté, avait rapidement remarqué un reflet doré dans un coin de la pièce. En s'approchant, il reconnut l'objet aussitôt. Hésitant un instant, il le passa à son doigt : il s'agissait de l'anneau d'ainesse de Morada, qui lui revenait de droit maintanant que ses deux frères étaient morts. Ou plutôt... Il songea un instant à Morada et Imoten, transformés en zombies puants ou toute autre anomalie nécromantique. Il renvoya cette vision d'horreur dans les tréfonds de son inconscient et leva la main pour faire jouer la lumière sur l'or de l'anneau. Celui-ci lui permettrait de ne pas oublier, se disait-il, symboliserait son désir de vengeance, et il le porterait fièrement. Son oncle, qui le regardait de loin, n'était pas dupe. Il savait que si Ignus persistait à le suivre dans sa quête, il aurait à affronter un adversaire tout aussi redoutable que les quinze nécromanciens réunis : sa propre rancoeur. Mais en même temps, il connaissait le potentiel de son jeune élève. Il considéra sa constitution solide, son tempérament pragmatique et résolu, et sourit. Très "terrestre", se dit-il. Car lui aussi avait trouvé quelque chose.Ils restèrent encore quelques minutes à explorer les diverses salles. Ignus remarqua la porte d'une annexe dont le métal fondu permettait de deviner ce qu'elle avait essayé de protéger. Echelias dénicha également un exemplaire du sort "nécrophage", qu'il emporta, même s'il ne le connaissait pas. On ne sait jamais, se disait-il. Puis il jugea qu'ils avaient perdu assez de temps.

Une fois dehors, il tendit à son neveu un tome épais, au cuir un peu vieilli.

--- Tiens, Ignus. Voici un traité qui pourrait t'être utile. Il ne s'agit pas d'explications de sorts magiques, mais des moyens d'invoquer les pouvoirs de la Terre et d'en faire son alliée. En maîtrisant ces concepts, les sorts qui requièrent cette forme de magie te coûteront moins d'efforts, et certains seront plus puissants.

Deux heures plus tard, ils marchaient d'un bon pas sur la grand' route qui traversait la forêt de Lihterb. Cette région, qui occupait toute la frontière sud du comté de Fog, était peu sûre, et de nombreux brigands faisaient de ses chemins leurs sources de revenus. Il fallait en effet traverser Lihterb pour se rendre en Nabelie, et les échanges commerciaux étaient fréquents en cette période de l'année. Ignus occupait maintenant son temps à surveiller les abords de la voie. Il avait d'abord essayé de feuilleter le livre de magie, mais s'était rendu compte que ce faisant, les arbres avaient tendance à se déplacer au milieu du chemin, et les pierres à le faire trébucher. Il avait laissé Echelias disserter sur les vertus de la patience et avait rangé le traité dans sa besace, remettant sa lecture à plus tard.

Son observation prudente ne lui permit cependant pas d'anticiper l'embuscade. En un instant, trois gredins débouchèrent devant eux, armés de courtes lames, et deux autres derrière, leur coupant toute retraite. Echelias, en bon diplomate, voulut d'abord leur faire remarquer que ni lui ni Ignus ne possédait quoi que ce soit qui présentât une quelconque valeur. Comme vraisemblablement les brigands tenaient à vérifier par eux-mêmes, le jeune novice prit les devants. Il se tourna vers les deux hommes derrière eux et leva les mains. Un instant l'air autour de l'un d'eux sembla se brouiller, puis celui-ci se retrouva tout confus : il avait l'impression d'avoir de la vase jusqu'aux genoux, et chaque pas lui coûtait beaucoup d'efforts. Il finit par trébucher. De l'autre côté, leur chef s'était arrêté brusquement, portant les mains à ses yeux et poussant des jurons. Ignus préparait déjà un second sort de lenteur, mais le peu qu'ils avaient fait avait calmé bien des ardeurs. Trois brigands avaient fui, un autre se trainait lamentablement vers le fourré le plus proche et leur meneur restait immobile, son poignard en avant, vociférant :

--- Où êtes-vous, chiens de sorciers ? Pourceaux malfaisants, rejetons de l'enfer ! Ne savez-vous donc pas vous battre ?

Echelias fit signe à son neveu d'approcher, et lança sur eux un sort de silence. Ils passèrent ainsi près du pauvre homme, désormais à genoux et implorant piteusement qu'on lui rende ses yeux, sans que celui-ci ne réagisse. Ils s'éloignèrent ensuite rapidement, tandis que le brigand se relevait et gratifiait le chemin désormais désert d'un florilège d'insultes typiques du comté.

--- Visiblement, ces gens-là n'ont pas souvent eu affaire à la magie, commenta le sage. Mais j'ai peur que nous n'ayons pas toujours la même chance. Ignus acquiesça.

Moins d'une demi-heure plus tard, ils arrivèrent en vue du but que s'était fixé Echelias : l'auberge de la Gorgone Endurcie était batie au sommet d'une colline déboisée, tout près de la route, et était le seul endroit avant les marches de la Nabelie où voyageurs et négociants pouvaient se reposer. C'était un lieu sûr, assez imposant, avec ses semi-fortifications et sa haute cheminée, et le crépuscule renforçait encore cette impression; un autre avantage était qu'elle se situait à deux pas des mines de rubis. Echelias avait tenu à prendre une bonne nuit de sommeil avant d'affronter le nécromancien, malgré les reproches d'Ignus. Le magicien était conscient que le temps jouait contre eux, mais il savait aussi qu'une telle confrontation ne s'improvisait pas.
A l'intérieur, la nouvelle de la destruction d'Altrin était déjà connue, mais les gens présents ce soir-là furent très surpris d'entendre deux clients leur parler de nécromanciens, de résurrection du prince des morts et de préparation de guerre. Néammoins il y en eut pour les croire, et deux d'entre eux acceptèrent de faire office de messagers, et partirent le soir même. L'incrédulité a parfois ses vertus, car il semble qu'ils auraient mieux fait de rester ce soir-là à profiter du bon feu qui brûlait dans l'âtre. En effet, la majorité des individus présents écoutant les nouvelles avec interêt, lequel aurait eu le loisir de lever les yeux pour apercevoir, accrochée la tête en bas à l'une des poutres de la charpente, une petite bête couleur de nuit ? La chauve-souris prit son envol à la suite des deux infortunés, laissant Ignus et Echelias prendre un repas léger dans le calme déjà retrouvé de la pièce principale. Une fois restaurés, ils prirent à part Gorcynn, le solide gaillard qui tenait l'auberge, et le questionnèrent sur les mines de rubis.

--- Elles sont désaffectées depuis déjà près d'un siècle, leur dit-il. La surexploitation de cet endroit en a laissé beaucoup au fond, vous savez. Mais vers la fin, ce n'est pas tant le manque de ressources qui a fait fermer la mine, mais plutôt la légende de son occupation par une bête féroce.

--- Oui, c'est bien une bête que nous devons chasser, murmura Ignus pour lui-même, avec amertume.

--- Vous voulez descendre dans les mines ? Vous n'avez pas parlé de vos projets, tout-à-l'heure. Y aurait-il en bas un artefact quelconque, gardé par l'oeil, et qui pourrait vous aider ?

--- Non, un des nécromanciens y est terré, mais gardez cela pour vous, je vous prie. Que vouliez-vous dire en mentionnant cet oeil ?

--- Aïe aïe aïe ! Un nécro en plus ? Ce serait pure folie de descendre dans ce cas.

C'est-à-dire que... Voyez-vous, je n'en ai jamais parlé, car il n'est pas bon pour un commerçant d'avoir un aventurier dans sa généalogie, mais mon grand-père n'est pas mort de la fièvre noire, comme cela avait été dit à l'époque. Il avait exploré la mine après sa fermeture, et avait découvert l'antre d'un oeil démoniaque après quelques visites. La créature était plus grande que la moyenne et particulièrement agressive, et Gorthagg, mon grand-père, s'était juré de s'en défaire pour pouvoir explorer les galeries profondes que la bête gardait. Le pauvre homme était persuadé qu'il pouvait encore y trouver des rubis. Mais il m'avait raconté, quand je n'étais qu'un gamin, qu'il avait trouvé un moyen de vaincre l'oeil. Il s'éclairait à l'époque à l'aide de potions de feu : c'était l'une des meilleures sources de lumière, mais il fallait y faire très attention, car si elles tombaient, elles explosaient et pouvaient provoquer des irritations désagréables, et bien des souvent des brûlures graves.
Un jour il fut surpris par l'oeil au détour d'une galerie, et, de peur, jeta sur lui la potion de feu qu'il tenait à la main. La bête sembla choquée et s'immobilisa. Puis Gorthagg lui envoya une seconde potion. La bête devint folle, fit des mouvements désordonnés, et partit se terrer dans les tréfonds de la mine. Je vous conseille d'utiliser le feu sur cette créature, elle n'aime pas ça, apparemment. Enfin, c'est ce que m'a raconté mon grand-père; vous savez, il était un peu spécial... D'ailleurs, la dernière fois que ma grand-mère l'a vu, c'est partant pour la mine avec un stock impressionnant de potions de feu et lui criant de chercher une recette d'oeil démoniaque pour le souper.
--- Mais comme vous le savez, reprit-il, la principale raison pour laquelle personne ne va plus dans ces mines est qu'elles sont infestées de troglodytes. Si jamais, malgré tout cela, vous décidiez d'aller là-bas, prévenez-moi demain matin, j'aurai quelque chose pour vous.
Echelias et Ignus le remercièrent pour ces précieuses informations, et montèrent à l'étage. Pendant l'heure qui suivit, l'unique chandelle de la chambre qu'ils avaient louée éclaira le tome d'Altrin, ouvert sur une table, tandis que le vieux sage expliquait à son élève, avec moult mouvements des bras et des mains, les mystères de la magie de la terre. Puis ils sombrèrent tous deux dans un sommeil sans rêves. Echelias préférait autant.
Le lendemain les vit se lever relativement tôt, prendre un petit-déjeuner consistant et partir vers les mines. Gorcynn leur avait donné quelques torches, ainsi qu'un parchemin roulé, en assez bon état malgré son ancienneté, qui représentait les galeries explorées par son grand-père. Ce plan risquait en effet de leur être précieux. Echelias essaya bien de dissuader son neveu de l'accompagner, mais sans succès. D'un autre côté, il n'avait pas envie d'y aller seul; Ignus lui serait sans doute utile, après tout. Quand ils arrivèrent en vue de l'entrée, ils constatèrent que les nouvelles étaient allées vite durant la nuit. Plusieurs êtres gardaient le passage, mais restaient immobiles, se balançant parfois au gré d'une faible brise, leurs yeux, quand ils en avaient, fixés sur l'horizon. De loin, ils semblaient morts. De près, ils l'étaient bel et bien. Tous à l'état de zombies pourrissants, certains exhibant leurs fémurs et autres tibias sans aucune pudeur, ils étaient la preuve que le nécromancien ne souhaitait pas être dérangé. Et pour corser le tout, ils sentaient mauvais. En s'approchant prudemment, Ignus reconnut avec horreur trois des brigands rencontrés la veille. Echelias s'arrêta. Il sentait que s'il faisait un pas de plus, il déclencherait l'attaque. Il fallait réfléchir au meilleur moyen de se débarasser de ces affreux. Le mage recula, s'assit simplement par terre et invita Ignus à faire de même. Il se concentra pour obtenir une image mentale de la population des environs. La forêt était assez dense dans les environs, et abritait un bon nombre de cerfs, des loups, et divers petits animaux. Ignus écouta le plan de son oncle et acquiesça. Il essaya de se lier aux énergies terrestres, et il sentit bientôt le pouvoir affluer en lui.
Il prononça quelques mots à voix basse, et invoqua ainsi successivement cinq loups devant eux. Il constata avec un mélange de joie et de fierté qu'il parvenait ainsi à invoquer plus d'animaux qu'il n'en avait l'habitude, tout en fournissant moins d'efforts. Echelias lança alors aussitôt un sort complexe, appelé "sort de meute" -- il ne fonctionne qu'avec les bêtes qui ont pour coutume de se déplacer en horde -- et les loups se mirent alors à hurler, rassemblant en un quart d'heure autour d'eux une vingtaine de leurs congénères. Le vieux maître enchaîna un sort d'empathie, pour s'assurer que ces nouveaux arrivants n'auraient aucune hostilité envers eux. Ignus enfin prit de simples pierres et bombarda les morts-vivants. Cela les fit réagir, mais pas très rapidement. Le vieil homme se joignit alors à son neveu et les cailloux du petit chemin volèrent de plus belle. L'un dans l'autre, trois zombies étaient déjà à terre quand le reste de la troupe atteignit les loups, qui ripostèrent aussitôt. La lenteur des morts jouait contre eux-mêmes, mais leur puanteur indisposait les bêtes. Le combat étant indécis, Echelias, pourtant fatigué, décida d'utiliser ses dernières réserves pour lancer un éclair de glace; cela lui permettrait en même temps de mieux maîtriser ce sort. Apres quelques secondes, il joignit les deux mains et les tendit violemment en direction d'un groupe de zombies. Un éclair jaillit effectivement de ses paumes, mais sa direction était mal contrôlée. Il vint frapper non seulement un zombie, qu'il blessa, mais aussi, malheureusement, le loup qui se chargeait de celui-ci. L'animal, ne sachant d'où venait l'attaque, devint fou furieux et se jeta de plus belle dans la bataille, créant un vent de panique autour de lui. Ignus vit que cela était suffisant. Un passage s'était ouvert sur le flanc droit, il aida son oncle à l'emprunter jusqu'à l'entrée des mines. De toutes façons, les trépassés étaient trop désorientés pour faire attention à eux. Le temps que les deux hommes entrent dans la vieille cage de l'élévateur, au fond du premier tunnel, et entament la descente, le sort d'empathie s'était dissipé, rendant son libre-arbitre à la meute, qui quitta l'endroit. Une fois au fond, ils purent bloquer l'élévateur, empechant toute poursuite, puis se reposèrent un moment.
Ensuite, ils cherchèrent à s'orienter grâce au plan de Gorcynn. A la lueur des torches, toutes les galeries se ressemblaient, leurs murs de pierre nue reflétant à peine la lumière. Ils croisèrent quelques groupes de troglodytes, mais aucun ne les attaquèrent. Un seul groupe leur fit face. Echelias sentit, grâce à ses talents de devin, que celui-ci avait dans l'humeur de se battre. Il proposa à Ignus de lancer un sort de carapace à long terme, en essayant d'en élargir la portée. Le jeune homme échoua, et bénéficia seul du sort ; mais il sentait qu'il progressait. Echelias lança donc le sort pour lui-même. Ils virent tout deux leur peau se durcir et eurent rapidement l'impression d'être enveloppés d'une couche de terre séchée. Ils avancèrent ensuite en essayant de presser le pas, et les troglodytes finirent par se décourager en voyant que leurs piques de bois n'avaient aucun effet. Ignus s'amusa même à en taquiner un ou deux en saisissant leurs armes et en cherchant à les leur soustraire. Il était en effet amusant de voir ces petits êtres s'accrocher désespérement à leurs piques, comme s'il s'agissait là des seuls biens de valeurs qu'ils aient jamais possédés. Une fois débarassés de la petite assemblée, ils prirent le temps de panser leurs blessures -- des égratignures, sauf Echelias qui avait une vilaine entaille au bras --, par quelques onguents qu'ils avaient songé à emporter avec eux.

Le secteur qu'ils exploraient maintenant depuis plusieurs heures était libre de toute menace, mais ils avaient l'impression de descendre de plus en plus bas tout en passant toujours par les mêmes endroits. Ils se trouvaient dans une petite salle, commençant à croire qu'ils étaient bel et bien perdus quand Ignus appela son oncle.

--- Je crois que j'ai trouvé quelque chose. On dirait des... Oui, c'est ça, ce doivent être des potions de feu que le grand-père de Gorcynn avait entreposées là. Elles étaient dans ces deux sac à dos, là, dans le recoin. Depuis le temps, elles n'éclairent pratiquement plus.

--- En effet. Malheureusement, cela peut signifier que l'oeil démoniaque n'est plus très loin.

--- Il y a aussi quelques rubis. Il n'était pas si fou que ça, finalement, le grand-père.

Ils se penchèrent une énième fois sur la carte. En y regardant de plus près, ils parvinrent à se repérer, car le document mentionnait une "réserve". Cela devait correspondre aux deux sacs, du moins ils l'espéraient. Dans ce cas, l'antre de la bête n'était plus qu'à quelques centaines de mètres de là. Ils parcoururent prudemment une série de boyaux tortueux et s'arrêtèrent avant de s'engager dans un dernier coude. Une très légère lumière rougeâtre leur donnait à penser que le repaire du monstre se situait en effet au-delà de ce passage, et qu'il était sans doute occupé. Après une courte réflexion, ils avisèrent qu'une attaque frontale serait la méthode la plus efficace. Echelias comptait sur l'effet de surprise. La procédure envisagée était fort simple : entrer, utiliser les potions, invoquer des affreux pour faire la basse besogne, se replier dans le couloir, au besoin mettre en place un champ de force, et enfin, se reposer. Ils s'armèrent chacun de plusieurs des fioles de Gorthagg, commencèrent à préparer leurs sorts, et passèrent à l'action.
Ils débouchèrent sur le seuil d'une vaste salle, trop vaste en fait, malgré une demi-douzaine de torches disposées sur son pourtour, pour qu'ils puissent vraiment distinguer grand-chose, à part la lueur rouge et mobile qui brillait en son centre. Ignus dirigea sa première potion de feu dans cette direction, car pour lui il s'agissait de l'éclat d'un rubis dans l'oeil du monstre. Les flammes de la première explosion lui prouvèrent qu'il n'avait pas tort. Il s'agissait bien d'un rubis, et il s'agissait bien d'un monstre. Mais encore une fois, d'un monstre mort, ondulant comiquement, ses os et tentacules s'entrechoquant de façon sinistre dans la froideur du sous-sol. Enchâssé dans son unique orbite, un énorme rubis pâle. Et derrière lui, assis sur un trône taillé dans la paroi, un sourire sardonique sur ses lèvres déssèchées, ombre parmi les ombres, se tenait le créateur de ce jouet malfaisant.Le temps qu'ils réalisent pleinement leur situation, les quelques potions lancées avaient atteint leur cible et Ignus avait même pu invoquer un élémentaire de l'eau. Tout cela en pure perte. L'obscène squelette avait à peine bougé, et le nécromancien riait désormais à gorge déployée. Echelias hurla quelque chose qu'Ignus ne comprit pas ; de toute manière, il avait déjà commencé à reculer. Se ruant alors vers l'entrée, ils s'y réfugièrent au moment où Echelias libérait le sort d'invocation retardé jusqu'à présent, créant ainsi seulement deux élémentaires du feu, pour pouvoir en lancer un autre. Il mit en place un champ de force juste à temps pour parer deux flèches magiques qui s'y écrasèrent violemment, chargeant l'armosphère d'électricité. Le sage, désormais coupé de la caverne, se reconcentra et utilisa toutes ses forces pour faire une invocation digne de lui. Quatre autres élémentaires se mirent à danser au milieu de la pièce.Il souffla un instant, pensant que tout ce petit monde allait déjà faire une partie du travail. En effet, l'elementaire de l'eau avait entouré la base du monstre, le déséquilibrant et le rendant totalement vulnérable aux attaques de ses collègues du feu. Mais l'oeil n'avait plus rien de démoniaque et tenait plus de l'ornement que de la bête féroce. Ce qui inquiétait Echelias, et qu'il ne pensait pas avoir à combattre si tôt, c'était l'être ténébreux qui avait tué puis créé cette chose. Et dans le même temps qu'il observait la scène, il aperçut le sourire maléfique du nécromancien, et comprit son erreur. Il avait investi trop de pouvoir dans une combinaison de sorts absolument inutile. Il eut juste le temps de se retourner, pour recevoir un puissant coup du revers de la main de la part du magicien ténébreux. Ce dernier avait tranquillement laissé le maître et son apprenti se fatiguer avant de se téléporter simplement. Echelias tomba, évanoui. Ignus ne savait que faire. Le nécromancien le toisait, persuadé d'avoir remis à leur place les deux importuns, sachant bien qu'il n'avait devant lui qu'un novice, et réfléchissant au meilleur moyen d'en finir. Il vit le jeune homme fuir dans le couloir et produire des paroles incohérentes. Mais cette peur était feinte, et visait à flatter la vanité du magicien. Ainsi, celui-ci ne se méfia pas et prit son temps pour le suivre. Tout en courant vers les sacs de potions laissées un peu plus loin dans le tunnel, Ignus parvint à se concentrer sur le champ de force et à le dissiper. Enfin il glissa sur le sol, attrapa au vol une des deux besaces et la fit basculer de toutes ses forces par-dessus son épaule. Le nécromancien, qui le talonnait d'assez près, n'eut pas le temps, ni vraiment l'envie d'ailleurs, de parer le coup, et reçut la chose de plein fouet. Il pensait qu'il s'agissait d'une manoeuvre désespérée et fut surpris de se retrouver l'instant d'après cinq mètres en arrière, ne sachant plus trop où il était, regardant avec hébétude les flammes qui commençaient à consumer ses chairs. Avant de comprendre, il fut alors rejoint par les élémentaires de feu, attirés par l'odeur de soufre. Totalement désorienté, le noir sorcier ne pouvait plus maintenir le faible bouclier magique qui les tenait éloignés. Ignus se faufila jusqu'à Echelias. Il ne tenait pas à utiliser le parchemin de guérison qu'il avait sur lui, mais allait s'y résoudre. Heureusement, son oncle reprit ses esprits. Prenant acte de la situation, il murmura certaines paroles secrètes qui décuplèrent les forces des élémentaires.Le sorcier mettait du temps à se débarasser des élémentaires. Ceux-ci étaient désormais déchaînés et trop proches pour qu'il puisse les tenir à distance par magie. Il comptait sur la force brutale, frappait de son poing les flammes inconsistantes et prononçait les mots de terreur et de puissance que seuls connaissent les nécromanciens. Mais à chaque fois qu'il parvenait à terrasser un esprit de feu, Echelias était suffisamment reposé pour en appeler un autre, et son jeune apprenti avait tout loisir de fournir une carapace au nouveau venu.Ils constatèrent finalement que la situation semblait tourner en leur faveur ; et au bout d'un temps qui leur parut interminable, celui que le sage reconnut comme étant l'infâme Gruundd fut enfin immobilisé.

--- Je te reconnais pour ce que tu es, dit Echelias, un couard qui se terre dans les profondeurs. Je suis seulement étonné de ne pas te trouver avec tes compères Ykkr'l et Zûam, avec qui tu avais l'habitude de pratiquer tes noirs rituels. Où sont-ils donc ? Se cachent-ils, tout comme toi ?

Une voix sépulcrale lui répondit :
--- A cela je répondrai pas. Tu as eu de la chance, Echelias... Pour cette fois.

Et à ce moment le visage de Gruundd sembla se brouiller, se fondre avec l'ombre, puis tout son corps s'affaissa, et ils n'eurent alors à leur merci que la cape et les quelques habits du magicien. Ils ne trouvèrent pas de réponse à leur question dans ces hardes puantes, ni même ce qu'ils étaient venus chercher.

--- Se pourrait-il qu'il l'ait emporté avec lui dans les ténèbres ? demanda Ignus.

--- Non, répondit simplement son oncle. J'ai plutôt peur qu'il ait brûlé dans le combat.

Et il paraissait soucieux. Il parcourut la caverne des yeux pendant un moment, comme pour se forcer à penser à autre chose. Puis, soudain, son regard s'arrêta et il se dirigea d'un pas décidé vers le trône de pierre. En contournant les restes de l'oeil démoniaque, il ne put s'empêcher de penser que Gruundd était un imbécile, car la créature ainsi animée était bien moins dangeureuse que vivante, et il se félicita de n'avoir pas eu à affronter son regard maléfique. Il inspecta le siège sculpté : à mi-hauteur de la paroi, dans ce qui faisait office de dossier, se trouvait une petite cavité. Il y plongea la main, en retira une boîte toute simple.

Et, victorieux, il montra son contenu à Ignus. Un morceau de parchemin déchiré.

Soulagés, ils se reposèrent quelques instants. Puis, grâce au plan de Gorcynn, ils reprirent le chemin inverse jusqu'aux étages supérieurs, en évitant au passage quelques troupes de troglodytes. Leur dernière péripétie fut de courir jusqu'à l'élévateur pour n'avoir pas à combattre la centaine de ces créatures qui s'était rassemblée dans les premières salles. Tous deux jugeaient qu'ils avaient assez utilisé de magie pour aujourd'hui. Enfin, ils débouchèrent à l'air libre et eurent la surprise d'y trouver le brave aubergiste.

--- Comme l'heure avançait, je m'étais demandé si tout allait bien pour vous. C'est curieux, ajouta-t-il, en arrivant ici, il y avait quelques zombies, mais ils avaient l'air apeurés. Qu'est-ce qui se passe donc dans le coin ?

--- Nous vous raconterons cela demain, mon ami. Pour l'heure, je crois que ce qu'il nous faut, c'est une bonne nuit de sommeil.

Gorcynn ne posa pas de question, et les raccompagna. Et pendant qu'ils se rapprochaient du repas et du bon feu qui les y attendaient, alors seulement Echelias commença à ressentir la fatigue accumulée de la journée. Mais au milieu de cette lassitude, il y avait le soulagement que lui procurait le contact de la petite boîte qu'il tenait dans la main.Cette nuit-là aussi fut une nuit sans rêves.

 

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