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Récit de force. Fevrier 2000
Par Ken Dal

 

 

 

 

Chapitre1

Alors que l'astre naissant projetait déjà ses rayons de lumière par dessus les montagnes de l'Est, la Phalange d'Ahrin se mit en route. Elle était constituée des vingt meilleurs champions de la capitale et de ses environs, excepté Ahrin lui-même, passé maître au combat depuis maintes années. Il avait choisi les plus loyaux et les plus vaillants guerriers. Seul en tête, il menait sa compagnie par deux rangs côte à côte. Les étendards bleu et or flottaient calmement sur un vent léger, qui agitait les cheveux dépassant sous les heaumes argentés. Et sur toutes les épaulières, on pouvait voir l'insigne d'Ahrin, plus éclatant encore que le métal. Mais tous avaient le cœur lourd cependant d'aller livrer une bataille incertaine contre l'armée des morts. La compagnie s'étant éloignée d'une lieue de Middleshire, Ahrin s'apprêta à donner l'ordre de forcer l'allure, mais un de ses hommes aperçut en arrière un petit groupe de cavaliers qui galopait dans leur direction. Lorsqu'ils se furent approchés, Ahrin sentit son cœur rempli d'allégresse, car il avait reconnu le Grand Clerc Loanrek, accompagné de son jeune disciple Rion, et de trois de ses serviteurs.

Loanrek était l'un des hommes les plus puissants de Xilbor. C'était lui qui relayait les énergies mystiques dans tout le royaume, à destination des lieux reculés. Son seul égal en magie dans l'Elemaan était Théodorus, le Gardien du Sanctuaire de Tanihis. Mais Loanrek résidait à la capitale, et il était très populaire et son apparition suffisait à galvaniser tous les esprits. Il était grand, et son visage paraissait ne pas subir les effets du temps, si bien qu'on ne pouvait estimer son âge. Ses yeux étaient sombres et profonds, et il arborait en permanence un léger sourire d'assurance, car il restait toujours étrangement calme.
Il était vêtu de la longue robe bleue des clercs, qui tombait en longs plis sur l'échine de son cheval.
"Seigneur Loanrek !" s'écria Ahrin, "Que me vaut l'honneur de votre personne ?"

- J'ai convaincu Layboor qu'on pouvait se passer de moi à la capitale pour quelques temps, et je vous accompagne, car c'est folie d'espérer vaincre les généraux de Leetaax sans hommes de magie."
Ce nom siffla dans les crânes des cavaliers.
"De grâce !"pria Ahrin, "Ne le nommez jamais explicitement dans nos terres !" - Nous sommes en guerre" précisa Loanrek, "et de ce fait nous ne pouvons vaincre sans regarder notre ennemi en face, si noir soit-il."
Ahrin baissa la tête. Le Nécromancien était craint par tous les vassaux des Manfred.

- Allons chevalier, nous avons une rude tâche à accomplir, et nous n'avons déjà perdu que trop de temps."
Et sur ces paroles, la compagnie grossie repartit au galop en direction du Nord-Est, dans la lumière maintenant éclatante du nouveau jour.
Durant deux jours, ils chevauchèrent ainsi. Ils avaient dressé leur campement à la nuit tombée et étaient repartis bien avant le lever du jour. Aucun obstacle ne s'était posé sur leur chemin, mais les plaines intérieures de Xilbor étaient relativement sûres. Loanrek avait néanmoins décelé de ses yeux attentifs la présence d'oiseaux rapaces tournoyant dans le vaste ciel qui dominait les grandes étendues vertes, mais il ne le signala qu'à Ahrin. Le chevalier, quant à lui, restait muet pendant la journée, ne prononçant que des ordres où des avertissements.
Le soir du deuxième jour cependant, ils atteignirent l'orée de la redoutée forêt de Devongh. Les chevaux et les hommes étaient exténués, car il relevait de l'exploit de couvrir la distance qui sépare Middleshire de la forêt, même en disposant d'excellents chevaux provenant des écuries seigneuriales. Lorsqu'ils eurent dressé le camp, la Lune luisait déjà bien haut dans le ciel noir. Le disciple Rion, qui observait les étoiles, demanda avec un sourire pourquoi certaines brillaient plus que d'autres, ce qui était le sujet de nombreuses légendes. Alors Ahrin, qui croyait profondément à la sienne, expliqua que chaque étoile incarnait l'esprit d'un guerrier ayant vécu loyal et bon, et que certains avaient fait preuve d'une valeur particulière, alors leurs astres scintillaient d'une lumière plus forte dans le firmament. Ils parlèrent encore quelques instants, puis le sommeil les emporta jusqu'au matin.

 

 

 

 

Chapitre deux
Lorsque le froid soudain qui précède l'aube se fit sentir, la Phalange d'Ahrin s'aventura dans la forêt. Mais les anciens sentiers étaient en mauvais état, et ils devaient souvent ralentir, malgré leur précipitation.
Alors qu'ils pénétraient une petite clairière d'herbes hautes, une flèche surgit de nulle part se ficha dans le paquetage d'un cavalier. La compagnie, prise de court, galopa vers le taillis le plus proche, afin de prendre refuge derrière la feuillure des arbustes. A présent, les flèches sifflaient autour d'eux, et ils étaient cernés par les tireurs embusqués.
Rion se concentra : "Ils devraient être une cinquantaine." dit-il.
Alors Loanrek leva la main et instantanément une aura magique protectrice les entoura, et elle déviait la plupart des projectiles.
Ahrin désigna rapidement cinq groupes de cavaliers, et ils chargèrent dans toutes les directions. De leur côté, les serviteurs du Grand Clerc, des moines guerriers, projetaient des rafales d'énergie dans les bosquets d'où provenaient les flèches. La clairière était illuminée, les champions fonçaient aveuglément, tels des lances de lumière, emportés par leur courage. La première ligne de brigands fut exterminée en un souffle. Mais brusquement surgit des fourrés une vague énorme de chevaucheurs de loup. Ahrin tira son épée, et décapita un gobelin à sa portée, puis, d'un rapide coup tournoyant, en faucha un second, et fendit le crâne d'un troisième ; trois autres suivirent. Et leurs montures furent piétinées par les chevaux en furie. Les autres cavaliers balayèrent de leurs lances une quarantaine de bandits. De leur côté, Loanrek et Rion, qui maniaient aussi l'épée, abattirent une quinzaine de gobelins et de voleurs, avec leurs loups. Devant le massacre, le reste des brigands s'enfuirent à grands cris dans les bois. Malheureusement, l'un d'eux avait été assez rapide pour asséner un coup à l'un des moines, et celui-ci succomba sous les yeux de son maître. Ahrin, revenant vers eux, lança au disciple, sur un ton de profond reproche : "Maître Rion, je crains que tu ne doives encore aiguiser tes pouvoirs. Ils étaient au moins plus de trois cents, à n'en pas douter."
En effet, plus d'une centaine gisaient là, abreuvant la terre d'un sang noir. Des bandits de toutes sortes : des voleurs, des chevaucheurs de loup, des lanceurs de haches, des archers rebelles et des hyènes des marais, en un mot toute la racaille de Xilbor.
Ahrin était inquiet, les brigands ordinaires de la forêt de Devongh n'auraient jamais osé attaquer un tel groupe d'hommes en armes et de clercs, qui portaient l'insigne d'un haut chevalier seigneurial. Bien qu'inférieurs, ils les avaient assailli sans scrupules, avec une telle haine dans les regards qu'on y lisait leur but, qui n'était guère de les voler, mais de les occire jusqu'au dernier.
- Ils ont été commandés." déclara-t-il soudain. "Le Nécromancien a eu vent de notre expédition."

- Les Rocs." dit calmement Loanrek, qui gardait son habituel sourire. "Les rapaces qui survolaient la plaine, ce sont les Rocs du Royaume Désolé."
Alors le clerc précisa sa pensée. Il raconta comment les Maîtres de Guerre, des barbares sanguinaires du Royaume Désolé, aujourd'hui passés au service de Leetaax, avaient au fil des siècles domestiqué des oiseaux géants à des fins militaires.
Tous l'écoutaient, car seuls les mythes anciens mentionnaient l'existence de ces aigles légendaires.
Ils décidèrent donc de quitter le sentier pour le reste de la traversée pour profiter du couvert des arbres.
Après avoir offert une sépulture décente au moine tombé au combat, ils repartirent. Ils chevauchèrent toute la journée sur leurs gardes, mais la fatigue et l'obscurité incertaine qui tombait rapidement les contraignirent à s'arrêter pour la nuit. Ahrin décida de doubler la garde ce soir-là, et il pris le premier tour avec neuf de ses hommes. On ne percevait pourtant que le timide bruissement du vent dans les feuilles, et les craquements irréguliers des brindilles que le feu consumait, mais il croyait entendre des murmures de voix, provenant des profondeurs mystérieuses de la vieille forêt. Il ne se passa rien cette nuit-là. Mais Loanrek, qui n'avait pas dormi, déclara que la compagnie devait éviter de passer une autre nuit sous les arbres, il fallait atteindre la lisière avant que le coucher du soleil. Alors, malgré la fatigue qui les accablaient tous, ils reprirent la route une nouvelle fois.
La journée se passa sans incident mais Ahrin eu la sensation qu'il avait éprouvée la nuit dernière, légèrement accentuée cependant. Excepté Loanrek, tous les cavaliers étaient nerveux, et la fatigue semblait peser plus que jamais.
Lorsque la dernière lueur orangée se fut éteinte dans le ciel, Ahrin donna l'ordre de s'arrêter pour la nuit. Ils n'avaient pas encore atteint la lisière septentrionale de la forêt.
Tous les hommes qui n'étaient pas de garde succombèrent immédiatement au sommeil, et ceux qui en étaient avaient grand peine à garder les yeux ouverts.
Ahrin était de ceux-là, et il pensait aux difficultés qu'ils auraient à rejoindre Tanihis par le Laanden, quand ils seraient à Dyrale, qui n'était qu'à une douzaine de lieues de la l'orée de la forêt.
Soudain il prit conscience que les voix qu'il avait perçu s'étaient amplifiées considérablement. En effet, presque inaudible la veille, le son était maintenant toujours faible, mais clair et mélodieux, comme un chant. Brusquement, une ombre passa parmi les arbres. Ahrin se leva, et tous firent de même, seul Loanrek restait assis, le regard dans le vide, souriant. Lentement, il se mit à prononcer des mots étranges, appartenant à quelque langue ancienne datant des premiers âges. Tous les chevaliers l'écoutait, sa voix était grave et solennelle, et elle se mêlait aux chants qui se rapprochaient. A présent, plusieurs ombres passaient dans les arbres régulièrement, puis s'évanouissaient dans les ténèbres.
Puis Loanrek se tut, et se leva, et c'est alors qu'une des ombres s'arrêta et s'avança vers lui. Quand la lueur du feu l'eut découverte, les membres de la compagnie furent subjugués. Il était apparut un grand et bel Elfe, habillé d'une longue cotte de mailles d'or et d'argent, la couleur même de ses cheveux. Il était armé d'un grand arc dont le bois semblait encore bien vivant.
Alors, comme personne n'osait prononcer un mot, l'Elfe des bois déclara dans la langue de Xilbor : " Les compagnons du sage Loanrek sont les bienvenus à Devongh. Mon seigneur Thorgrim vous prie de bien vouloir partager sa demeure pour le reste de la nuit."
Ahrin ne put articuler une syllabe, alors Loanrek acquiesça en langue elfique, et ils remontèrent à cheval pour suivre le grand Elfe et sa troupe.
Ahrin chevauchait à ses côtés. Entre deux chansons, l'Elfe, de sa voix douce et claire, l'informait sur la situation : "Nous vous suivons depuis la nuit dernière, la forêt n'est pas sûre pour les étrangers depuis quelques temps."
- Nous avons eu à repousser une attaque de brigands hier matin." déclara Ahrin. "Nous avons perdu un des nôtres."

- Ils ne sont pas de la région. Ils viennent du Nord, mais ils s'introduisent dans nos territoires par la lisière occidentale. Et nous ne sommes plus assez nombreux pour les contenir. Mes frères patrouillant à l'Ouest ont signalé avant-hier une compagnie de sept cents voleurs. Mais quel est votre destination ?"

- Nous devons rejoindre Dyrale, au Nord, au plus vite." dit Ahrin. "Nous partirons à l'aurore."
La Lune avait déjà disparu du firmament lorsqu'ils atteignirent la ville elfique de Devongh, qui dominait la forêt du même nom, et dont seuls les grands hommes de savoir d'Elemaan connaissaient l'existence. Elle était ceinte d'une haute muraille de pierre surmontée d'armatures en bois, d'où tiraient jadis les archers, qui surplombaient un profond fossé hérissé de pieux acérés. De tout évidence, la ville avait eu autrefois à soutenir de longs sièges et de violents assauts.
Elle était gouvernée par Thorgrim, un homme mystérieux doté de la sagesse des Elfes et du savoir des Nains. Cette nuit-là, Ahrin et Loanrek la passèrent à disserter avec lui sur l'avancée des troupes ennemies, sur le manque d'effectifs disponibles pour les combattre, et sur le danger mortel de la prise éventuelle du Sanctuaire.

"Malheureusement, je ne pourrais vous fournir qu'un petit détachement, mais il sera composé de mes meilleurs éléments." déclara Thorgrim.

- Tout combattant en état de nous rejoindre vaut de l'or à mes yeux." répondit Ahrin. Puis le seigneur de Devongh appela un page en langue elfique, et on lui apporta peu après un long coffret de bois clair, sans ornements. Alors il l'ouvrit lentement, fit signe à Ahrin d'approcher, et en sortit une longue et magnifique épée, à la poignée d'ivoire cerclée d'argent, et dont le pommeau et la garde étaient sertis de nombreuses gemmes bleues. La lame, étincelante d'elle-même, était gravée de mystérieuses runes elfiques.

- Chevalier." dit Thorgrim gravement. "Tu sers une cause noble et tu est valeureux, reçoit donc l'Epée Chantante. Son chant de mort a le pouvoir de terrasser un dragon, mais seul un Héros au cœur pur et oeuvrant pour la lumière est digne de la manier. A présent, accomplit ton destin."

Sans prononcer mot, Ahrin s'inclina profondément, et les hôtes se retirèrent.

 

 


 
 

 
Chapitre trois
Il était près de neuf heures quand la Phalange d'Ahrin, après avoir maintes fois remercié le maître de céans, quitta la ville elfique de Devongh.
Le " modeste détachement " qu'avait fourni Thorgrim était constitué d'une soixantaine de centaures, qui, comme à leur habitude, restaient à l'écart des humains, d'une soixantaine de Nains joyeux et rieurs, et d'une troupe de quarante archers, que commandait Eylorn, le grand Elfe rencontré la veille. Mais ce qui honorait particulièrement la compagnie, c'était sept magnifiques licornes sauvages, plus blanches que la lumière du jour, et dont les cornes majestueuses étaient dressées vers le ciel. A la surprise de tous, elles n'avaient accepté d'obéir qu'à Ahrin, et même les Elfes qui les avaient domestiqué avaient perdu presque toute emprise sur elles. Thorgrim avait aussi accordé aux chevaliers un guérisseur de combat, et une tente de soins.
Le matin du cinquième jour, donc, ils partirent ; et Rion, se retournant, put apercevoir, au sommet du pic rocheux dominant le flanc de la montagne où était située la ville, des fantastiques formes ailées qui survolaient Devongh. " Je crois que les Rocs sont revenus... " murmura-t-il à son maître. Loanrek ne dit rien, mais son sourire s'accentua.
Ils chevauchèrent sans embûche toute la matinée, mais vers midi, alors que la forêt devenait moins dense et qu'ils approchaient de sa lisière septentrionale, ils entendirent derrière eux de violents cris de guerre et des clameurs haineuses, assez lointains cependant.

C'est alors qu'Eylorn, qui fermait la marche avec sa compagnie, et circulait quelquefois parmi les hautes branches, apparut et lança : " Il y en a plus d'un millier ! C'est un régiment qui a bifurqué vers le Nord dans notre direction ! "

- Au galop ! La lisière est proche, ils seront à notre merci dans la plaine !" cria Ahrin, sans en écouter davantage. "Eylorn ! Grimpez dans les derniers arbres et bloquez l'accès à la forêt quand ils seront tous sortis !".

Et ce fut une terrible cavalcade, une course effrénée contre la mort. Les fers des formidables destriers des chevaliers d'Ahrin soulevaient et déchiquetaient les feuilles mortes du sol qu'ils labouraient dans un grondement sourd et régulier. Déjà les cris s'amplifiaient, les abominables beuglements des orques et les féroces hurlement des loups. Les flèches se fichaient dans l'épaisse écorce des arbres avec un bruit sec. Loanrek, se retournant, leva la main, et le sol devint soudainement boueux et visqueux sous les pieds des barbares qui s'enlisèrent. Mais ils avançaient toujours.
Des Nains tombèrent. Ils avaient pris place sur les centaures ou en croupe des chevaliers, et malgré leurs lourdes cottes de mailles, certaines flèches acérées parvenaient à les abattre. Brusquement, la compagnie entière fut submergée d'une éclatante lumière, la clarté du jour. Ils avaient atteint la plaine.
Ils parcoururent encore un quart de lieue, puis Ahrin donna l'ordre de s'arrêter. Tournés vers la sombre forêt, ils attendaient, les poings crispés sur leurs armes. Dans les arbres en face, les Elfes bandaient calmement leurs arcs.
Les chevaucheurs de loup sortaient en vagues turbulentes et désordonnées. Puis ce fut le tour des orques, des gobelins et des voleurs, et enfin les ogres apparurent.
C'est alors que tombèrent du ciel avec d'horribles cris stridents d'immenses rapaces en furie. "Les Rocs !" crièrent des voix. A cette vue, Ahrin s'élança, la rage au cœur, avec un cri déchirant. Et toute sa Phalange chargea, déchaînée, de même que les licornes, aveugles de la colère de leur maître. Et les Nains fermaient l'assaut, écrasant tout ce qui passait à leur portée, alors que les centaures tentaient avec difficulté de repousser les Rocs. Et ils foncèrent dans la masse compacte des brigands, tandis que les Elfes, de l'autre côté, vidaient leurs carquois avec application.
Au premier impact, la lance d'Ahrin se brisa, elle avait empalé cinq gobelins. Alors il porta la main à l'Epée, et elle émit un son en sortant du fourreau. Elle chantait et brillait de plus belle à chaque tête qu'elle faisait sauter, abreuvée de sang et de terreur, répandant la mort sur son sillage.
Et tous les autres chevaliers étaient pris de la même rage qu'Ahrin. Tous leurs coups frappaient au but, et tous étaient fatals. Les licornes, illuminées de leur colère, telles des vengeresses divines, tuaient sauvagement leurs ennemis horrifiés. Et le Grand Clerc, lâchant des éclairs de sa main mortelle, maniait de l'autre un long glaive, tandis que son valeureux disciple, au cœur de la bataille, usait sa lame contre la dure peau des ogres. Et les centaures luttaient toujours contre les Rocs, persévérant malgré leurs frères qui tombaient à leurs côtés. Ils combattirent ainsi un certain temps, et aucun n'aurait pu dire s'il s'agissait d'une éternité ou de quelques secondes.
Lorsqu'Ahrin baissa le bras, il considéra le champ de bataille. Son Epée lui parut peser très lourd, et il ferma les yeux. Les dents de son collier étaient tâchées de sang. Rion s'effondra, exténué, et Loanrek, la main tremblante, descendit de cheval et tomba à genoux. Aucun barbare n'en était réchappé, ceux qui avaient voulu fuir par la forêt avaient été abattus par le détachement d'Eylorn. Plus aucun Roc ne tournoyait dans le ciel, car ils gisaient éventrés dans l'herbe rase de la plaine.
Mais la compagnie avait elle aussi subi de lourdes pertes, car il ne restait qu'une vingtaine d'Elfes, quelques centaures et une quinzaine de Nains, mais Ahrin avait surtout perdu trois chevaliers de sa Phalange, et il leur rendit grâce longtemps pour leur valeur et leur courage. Le guérisseur accomplissait un dur labeur.
Le soleil penchait considérablement vers l'Ouest quand ils reprirent la route, le cœur rempli de lassitude et de tristesse. Ils ne dirent plus rien, et ne dressèrent le camp que tard dans la nuit, quand le sommeil fut devenu implacable.
Pendant la nuit, Loanrek vint trouver Ahrin, qui observait les étoiles. "Je vais partir." dit-il. "Je dois aller soutenir Théodorus avant qu'il ne soit trop tard, je ne peux pas risquer un long détour par Dyrale." Ahrin ne répondit pas, mais il sourit. Loanrek quitta la compagnie à la lueur du clair de lune, et le son des sabots sur la terre rude se perdit dans le murmure du vent.
Le soir du sixième jour, ils atteignirent Dyrale. C'était une grande ville à la limite des plaines, peu fortifiée mais dotée d'une puissante garnison. Exceptionnellement, sous l'ordre de Layboor, elle était devenue le point de rencontre de toutes les troupes disponibles de Xilbor, chargées d'aller combattre les Nécromants dans les Terres Hautes, sous le commandement du chevalier Ahrin. La ville elle-même n'offrant le gîte qu'à l'état-major et la cavalerie, les troupes en attente logeaient dans des tentes de régiment sous les remparts ; elles s'étendaient jusqu'à six cents mètres à la ronde.
On reconnut Ahrin tout de suite, et on l'escorta jusqu'au centre. Les hommes d'armes écarquillaient les yeux devant les licornes et les Elfes.
Malgré l'état des troupes d'Ahrin, le départ pour Tanihis fut décidé pour le lendemain, à l'aube.

Cette nuit-là, le chevalier manda Rion dans ses appartements. "Je ne puis me résoudre à un autre détour. " dit-il. "C'est pourquoi je t'ai choisi pour acheminer des renforts occidentaux jusqu'au Sanctuaire."

- De qui parlez-vous ?" demanda le jeune clerc.

Ahrin hésita un instant, puis prononça d'une voix calme : "Des créatures de Tivanos." Rion se tut, mais on pouvait lire dans ses yeux une terreur sans nom. Puis le chevalier défit son étrange collier et le lui tendit. "Donne ceci à Temlak, et dit lui que le temps presse." Puis il ajouta : "Prends avec toi quatre chevaliers. Lorsque tu auras atteint les marais, sonne de ce cor." et il lui tendit un curieux cor d'ivoire orné d'anneaux de bois. "C'est peut-être de toi que dépend notre survie, à présent."

Et Rion partit la nuit même au grand galop, en compagnie d'une partie de la Phalange, lorsque la Lune s'évanouit dans le ciel.





Chapitre Quatre
A l'aube, l'armée fut rassemblée à une demi lieue de Dyrale. Les armures, les heaumes et les lames des hallebardes, qui réfléchissaient la lumière du soleil formaient une fantastique marée scintillante. Il y avait là peut-être trois cents cavaliers, et plus de mille sept cents fantassins, parmi lesquels des hallebardiers, des moines et des hommes d'épée. Et on avait fait venir une cinquantaine de griffons royaux, des créatures fabuleuses que l'on dressait à l'Est, dans les montagnes.

En tête chevauchait Ahrin, en compagnie d'Eylorn, et toute sa Phalange cheminait derrière lui. Il savait s'orienter, et ils atteignirent le désert du Laanden dans l'après-midi.

Mais le sol devint vite rocailleux, et les chevaux comme les hommes avançaient péniblement. L'ordre de suspendre la marche fut donné peu après le coucher du soleil, car le froid nocturne tombait et devenait mordant.

Ils levèrent le camp le lendemain lorsque la chaleur se fit à nouveau sentir. L'astre trônait haut dans le ciel sans nuages quand les griffons s'agitèrent soudain. Eylorn leva les yeux. "Ce sont des aigles...des aigles d'or !" On voulu lâcher les griffons mais Ahrin s'y opposa. Les rapaces volaient vers le Sud-Est. Il siffla, et prononça quelques phrases en langue elfique ancienne, dont on apprenait des bribes à l'université. Les grands oiseaux s'approchèrent sans aggressivité.
Après quelques minutes, les oiseaux d'or étaient aussi dociles que les chevaux. Eylorn le félicita, en lui précisant que seul les Elfes avaient jusqu'ici su apprivoiser de telles créatures.
Il s'agissait en réalité de Rocs magiques.
Ils s'apprêtaient à continuer leur route, quand les chevaux devinrent brusquement très nerveux, et presque incontrôlables. Ils hennissaient sans cesse et désarçonnèrent plusieurs chevaliers.
Puis le sol aride se mit à trembler, et une fissure s'ouvrit devant l'armée, parallèlement à son alignement. La brèche s'élargissait et le sol se soulevait. Les troupes fuyaient en rangs confus. Seule la Phalange d'Ahrin restait devant la trouée béante, et les chevaliers contenaient leurs destriers à grand mal. Et soudain, deux ailes immenses, plus noires que les ténèbres, jaillirent, en un colossal Dragon émergea des insondables profondeurs de la Terre. Il se dressa devant les cavaliers, il mesurait peut-être quatre cents pieds. Même la Phalange avait reculé, à présent, excepté son capitaine qui demeurait impassible face au monstre, et le défiait du regard. Les troupes s'étaient ressaisies, et les archers décochaient abondamment leurs flèches, mais elles s'abîmaient inutilement sur les sombres écailles de la créatures. Les clercs lançaient en vain leur sort magiques.
Puis le Dragon s'impatienta. Il ouvrit la gueule et cracha une flamme gigantesque sur ses assaillants. Mais Ahrin, plus prompt que l'éclair, avait lâché sa lance et, l'Epée au poing, il s'était élancé de toute la puissance de son cheval, sous le monstre. Et il frappa d'estoc, en un coup bref et précis, dans le ventre écailleux. La bête poussa un cri déchirant, et martela le sol, le labourant de ses griffes, et, dans une crise de rage et de douleur, cracha une flamme droit devant elle. Sa première attaque avait balayé une cinquantaine de fantassins, et celle-ci en brûla le double. Les hommes se tordait de douleur à terre en poussant des cris affreux. Mais la Phalange avait encerclé la créature, et, au signal du chant mortel de l'Epée d'Ahrin, treize valeureux champions se ruèrent ensemble sur le Dragon, et le percèrent violemment de leurs lances effilées. Excédé par la souffrance, le monstre hurla à la mort et donna un brutal coup de queue vers l'avant qui projeta tous les cavaliers à terre.
Quand Ahrin se releva, il était seul. Et il avait chu sous la gueule de la bête, dont il sentait le souffle chaud. Maintenant que son adversaire était à sa merci, le Dragon avait recouvré son calme, et il respirait lentement. Puis soudain il s'élança pour achever l'infortuné chevalier, mais Ahrin, d'une feinte majestueuse, s'accroupit et empoigna son arme tombée près de lui, évita la gueule du monstre en roulant sur le côté et, d'un formidable coup oblique, lui trancha la gorge en se redressant. La Lame Chantante entama profondément la chair coriace, le sang noir jaillit de la large blessure et abreuva la terre craquelée. Le Dragon s'effondra avec un hurlement étouffé dans un fracas épouvantable.
Il fallut écarter les hommes de la dépouille avec force, car les vertus magiques de la créature valorisaient ses écailles et ses yeux. Mais les dents revenaient de droit au courageux tueur. Quand l'armée se remit en route, tard dans la journée, Ahrin portait au cou un nouveau collier. Ses hommes avaient maintenant totalement confiance en leur meneur et l'admirait profondément, ils le suivraient désormais jusqu'aux Enfers.
Ils dormirent une nouvelle fois dans le désert, et le soir du jour suivant, ils s'arrêtèrent à quelques lieues de la frontière du Laanden. On voyait distinctement les Terres Hautes qui s'élevaient au Nord, encore embrasées par la lumière du soleil mourant.
Alors que la plupart des troupes venait de s'endormir, une sentinelle entra dans la tente des généraux. "Il se passe d'étranges choses près de la frontière." dit le jeune hallebardier. Ahrin soupira, puis sortit et le suivit. Effectivement, on apercevait des ombres en mouvement qui semblaient pénétrer dans les terres désertiques. Un Elfe, qui s'était approché, dit calmement : "Ce sont eux." Alors Ahrin se mit à donner des ordres dans toutes les directions. La sonnerie du cor d'alerte réveilla tout le camp. Les ombres s'avançaient rapidement, et on avait du mal à équiper les chevaux et les hommes. Des clameurs sèches commencèrent à s'élever dans l'armée des Nécromants, qui glaçaient le cœur des hommes.
Lorsque les morts ne furent plus distants que d'une lieue du camp, les troupes d'Elemaan lancèrent leur première attaque. On avait réunit un détachement de cavalerie, qui devait freiner l'avancée des squelettes. La trentaine de champions se rua sur les assaillants, mais en pénétrant dans leurs rangs ils furent rapidement submergés. Heureusement, la vitesse qu'ils avait acquise leur permit de passer les vagues d'infanterie sans dommages, mais les Chevaliers de la Mort les attendaient. De terribles esprits maudits chevauchant des créatures ténébreuses. Ils fauchèrent trois cavaliers, puis coupèrent la route au survivants, permettant au zombies d'arriver au contact. Ahrin donna la charge avant qu'il ne soit trop tard.
La compagnie de cavaliers qu'il menait, et dont il était le fer de lance, creusa une brèche énorme dans les rangs ennemis. L'armée des ténèbres fut prise de court, mais les morts ne ressentaient pas la peur, et ils frappaient de plus belle à chaque attaque subie. La cavalerie avançait, et les Chevaliers Noirs durent se mettre en garde, ce qui laissa un temps de répit aux premiers cavaliers. L'infanterie accomplissait pendant ce temps la tâche la plus rude. Il fallait éloigner les ennemis du camp très vite. Mais les squelettes étaient coriaces, et même les Elfes combattirent au corps à corps.
Ahrin et ses compagnons désarçonnèrent plusieurs Chevaliers Ténébreux lors de la charge, mais les Nécromants étaient très puissants au contact, et d'autres valeureux combattants tombèrent.
La bataille dura peu de temps, car les troupes d'Ahrin eurent rapidement le dessus, sans subir trop de pertes. Mais le chevalier savait que ce n'était que l'avant-garde de l'armée du Royaume Désolé, et son cœur restait sombre.
Le matin arriva, froid et morne. Le guérisseur soignait les derniers blessés, et les malades contaminés par les zombies. Ils incinérèrent les corps afin que le Nécromancien n'en fasse pas ses servants. Lorsque le soleil, masqué par de sombres nuages, fut monté bien haut dans le ciel, l'armée d'Elemaan reprit sa quête. A midi, ils pénétrèrent enfin les Terres Hautes. Ahrin envoyait plusieurs éclaireurs, qui revenaient tous en décrivant des collines infestées de morts-vivants. Des Rocs menaçants tournoyaient dans les airs. Ils rencontraient souvent des anciennes fermes ou des garnisons isolées en ruine, ravagées par le fer et le feu. Le climat devenait lourd et oppressant, mais le charisme d'Ahrin impressionnait tous les hommes sous son commandement. Ils cheminèrent pendant deux jours entre les collines. Et le troisième jour, ils gravirent la montagne de Tanihis. Lorsqu'ils arrivèrent sur le plateau, la nuit était tombée, et ils sentirent le poids de la Mort les accabler un peu plus.
L'assaut du Sanctuaire avait commencé. Des gigantesque gerbes de flammes s'échappaient de la ville, et toutes les forces ennemies étaient concentrées autour des remparts. Ahrin donna l'assaut sur les machines de guerre, et elles furent rapidement capturées. Mais alors que l'armée avait encerclé les Nécromants, et n'attendait que l'ordre de son chevalier, un bruit sourd et des cris de victoire retentirent. Les monstres des barbares avaient enfoncé les lourdes portes d'acier.





Chapitre Cinq
Adossé à un créneau de la muraille, Elden caressait l'empennage de sa flèche. Il avait peur, certes, mais il restait calme. La situation s'enlisait. Hors de la ville, de l'autre côté des remparts, il y avait les troupes de la Mort, qui attendaient patiemment depuis presque deux semaines. Ils avaient l'éternité devant eux. A l'intérieur de la ville, les troupes seigneuriales de Xilbor attendaient elles aussi, les renforts...ou l'assaut final...Car dehors ils étaient des milliers, et même Tanihis ne pouvait leur résister indéfiniment. Et puis les machines de guerre arriveraient bien un jour, et alors les enceintes tomberaient. Elden considéra d'un œil ironique le colosse d'or d'une centaine de pieds, dressé sur la place centrale, symbolisant la puissance de la cité.
Il fallait résister, avait dit Théodorus, le Grand Prêtre du Sanctuaire, car il manquait de clercs, et il lui fallait du temps pour exécuter les rituels sacrés nécessaires à l'appel des forces divines. Mais mis à part Théodorus, tout le monde doutait, à présent. On ne pensait qu'à la Mort. Elle était partout. On ressentait constamment le pesant silence, l'odeur, le goût même de la Mort. Et les hommes de garde sur le chemin de ronde plus que quiconque, car ils guettaient en permanence les manoeuvres des Nécromants. Elden était de ceux-là. C'était un jeune archer en service court à Tanihis ; d'ordinaire il maniait son arc plus à l'Ouest, à Teckenheim. Il avait troqué cette arme contre son arbalète réglementaire, ce qui lui avait valu trois tours de garde supplémentaires, car il trouvait l'arc plus léger et plus souple. Mais tout cela n'avait guère plus d'importance. Tanihis était condamnée si quelques renforts hypothétiques n'arrivaient pas. Il se couvrit le visage de ses mains et attendit.
Une, ou peut-être deux heures passèrent, Elden n'aurait pu le dire. Chaque seconde qui s'écoulait paraissait le vieillir d'une année. Puis soudain, une clameur s'éleva, abominable et sans timbre. Le jeune archer se retourna, et il fut glacé d'horreur. Toute l'armée était en mouvement. On pouvait voir des régiments de squelettes, de zombies, d'âmes déchues, de gobelins, d'ogres et d'autres monstres sans nom s'avancer. Les machines de guerres étaient arrivées. Alors des cris s'élevèrent du chemin de ronde et les défenseurs, pris de panique, organisèrent rapidement leur défense. On avait ordonné aux archers d'enflammer leurs flèches pour détruire en priorité les catapultes et les balistes, encore inactives.
Elden avait perdu tout espoir, mais il décochait néanmoins ses flèches avec application, afin qu'aucune ne soit vaine. Mais les machines étaient hors de portée.
L'après-midi passa, et on ne tirait plus, attendant l'attaque des morts-vivants.
Au crépuscule, les catapultes furent mises en batterie, et des cris de morts rompirent le silence ambiant, de même nature. L'assaut était lancé.
Les premières vagues étaient composées de squelettes, de zombies et de gobelins, et elles furent contenues sans grande difficulté. Les blocs de pierre pleuvaient, et entamaient peu à peu la muraille. Puis les liches commencèrent à cracher leurs nuages mortels, et tous les archers se réfugièrent derrière les créneaux.
Soudain, un projectile tomba à quelques mètres d'Elden, et il n'eut que le temps de s'enfuir vers l'enceinte est avant que le poison ne l'atteigne. Mais en pénétrant dans la première échauguette, un nuage verdâtre le prit à la gorge, et il ne put faire un pas de plus. Il tomba inconscient sur la pierre froide.
Lorsqu'il ouvrit à nouveau les yeux, il faisait nuit. Tous ses membres étaient engourdis, et il peina à se relever. Puis il sentit l'odeur de la Mort, devenue familière. Ayant ramassé son arc et recouvré ses esprits, il prit conscience de la situation. Elle était critique. La ville était en feu, et les murailles étaient sérieusement endommagées. Dehors, les Nécromants avaient allumé des feux, et les flancs de la montagne étaient illuminés, ils poussaient d'horribles cris de guerre. Il régnait un vacarme assourdissant. Mais soudain un bruit domina les autres, retentissant dans l'enceinte de la ville. Elden comprit alors, dans une montée d'angoisse, que les portes avaient cédé.




 


 
Chapitre six
Rion sonna du cor d'ivoire, puis il attendit. L'atmosphère commençait à se faire pesante. On n'entendait que les stridulations des insectes nocturnes et les craquements des branches pourries. L'air étouffant et saturé d'humidité qui régnait, ainsi que la fatigue accumulée, oppressait les hommes et les chevaux.
Voilà deux jours à présent qu'ils avaient quitté la Phalange d'Ahrin, et ils pataugeaient à présent dans les marais séculaires d'Elemaan, avançant lentement dans la jungle dense, une quarantaine de lieues à l'Ouest de Dyrale.
Une demi-heure s'était écoulée depuis la dernière sonnerie de Rion, et ils avaient tout au plus avancé d'un mille, quand ils entendirent des rires et des voix s'élever autour d'eux. Ils tirèrent leurs dagues, les seules armes que l'on pouvait manier dans l'enchevêtrement de lianes et d'arbustes des marécages. On ne pouvait sonder les profondeurs de la brume. Soudain, Rion sentit le sol vaseux se dérober sous ses pieds. Il s'enlisait dans le fond de la mare stagnante. Des hyènes hideuses surgirent derrière lui avec des cris affreux, et ses chevaliers furent violemment pris à parti. Ils tuèrent quelques créatures, mais ils reculaient. Brusquement, des hommes-lézards apparurent, et, furtivement, grimpèrent sur les chevaux et s'échappèrent entre les arbres. Rion regardait impuissant, embourbé dans les sables jusqu'à la taille, la fin du combat désespéré que ses hommes livraient, sans montures, contre leurs ennemis toujours plus nombreux.
Il entendit subitement du bois craqueler derrière lui. Lorsqu'il se retourna, une terreur absolue l'envahit, et il ne put faire un mouvement. Sept têtes monstrueuses, montées sur un corps difforme, le considérait, en crachant et en expirant leur ignoble haleine au visage du jeune clerc. Puis il revint à lui, et dans un réflexe extraordinaire, il agrippa une racine émergée et se tira avec toute la force du désespoir hors du trou de vase. Il dut s'enfoncer parmi les arbres pour échapper à l'hydre qui attaquait. L'énorme créature dévastait tout sur son sillage en pourchassant sa proie, ne lui permettant aucun répit. Rion déboucha sur un espace plus dégagé, au milieu duquel s'élevait un grand arbre au tronc immense, qui lui barrait le passage.
Alors se résignant à affronter la bête, il resta plaqué le dos contre l'écorce humide, et il tira sa longue épée. L'hydre approcha, en poussant de multiples sifflements dissonants. Les sept têtes se ruèrent en désordre sur le jeune homme. Celui-ci couru de côté, en longeant le fût de l'arbre, puis sauta derrière une grosse racine. Mais une tête l'avait précédé, alors, conservant sa vitesse, il plongea sous elle et, s'étant retourné sur le dos, donna un violent coup d'épée à deux mains en travers du cou de la bête. Mais la lame, si affûtée qu'elle eut été, ne put pénétrer la peau dure comme le roc. Les membres vacillant sous l'effet du choc, Rion lâcha l'épée. Il réussit tout de même à éviter la riposte de l'hydre, mais deux autres têtes l'attendait, il était pris entre deux feux. Il leva alors la main devant ses nouveaux assaillants, et projeta un froid glacial qui les fit se tordre de douleur. Puis, profitant de ces quelques instants de sursis, il reprit son épée et d'un rapide coup de taille en arrière, il détourna l'autre créature qui allait frapper. Mais, encore une fois, il n'avait infligé qu'une écorchure bénigne.
L'hydre l'encerclait de nouveau, alors il réfléchit rapidement. Elle paraissait invincible, mais il se souvint subitement d'un sortilège ancien que son maître lui avait enseigné il y avait bien longtemps. Mais il était fatigué, et ses chances de réussite étaient aléatoires. Il se concentra, et la créature sembla intimidée, ou du moins surprise. Et sa lame s'enflamma, et lui-même parut briller d'un intense éclat. Les têtes plongeaient, alors Rion sauta sur l'une d'elle et, debout sur la nuque de la bête, il lui trancha le cou vivement, et la blessure s'enflamma. La peau avait été lacérée avec une aisance inouïe.
Galvanisé par cette mince victoire, le jeune clerc fut soudain possédé par la rage, et perdit presque le contrôle de ses mouvements. Il courut vers le corps de la créature et, devant son poitrail, d'où émergeaient les sept serpents, il fendit deux gorges de dessous, puis il monta sur le dos de la bête et asséna un furieux coup verticale sur l'encolure d'un quatrième monstre. Les têtes s'effondraient brutalement dans la vase l'une après l'autre. L'hydre se contracta brusquement, faisant choir Rion. Mais alors qu'elle voulait l'écraser, il se releva promptement vers l'avant et sectionna deux autres cous. La dernière tête n'osait approcher ce puissant inconnu. Mais déjà les autres repoussaient.
A cette vue, Rion lança de sa main une gerbe de flammes sur les blessures cicatrisantes. Il manqua cependant d'être broyé par les mâchoires de la dernière bête qui, rageuse, s'était élancée. Le jeune guerrier lança sa lame, mais en heurtant les dents du monstre, elle se brisa d'un coup sec. Regagné par l'horreur, il dut faire un vif écart pour éviter de nouveau la créature qui revenait à la charge. Mais sa jambe s'enfonça soudain dans un trou masqué. Il aperçut le monstre qui allait frapper, et ferma les yeux.
C'est alors qu'il entendit un appel : "Combattant !" Il rouvrit les yeux, et vit une épée qui tombait du ciel, droit sur lui. Il ne réfléchit pas. Saisissant l'arme au vol, il se coucha dans la vase, et se redressant derrière le passage de la bête, il lui trancha sauvagement le cou. La dernière tête de l'hydre s'écroula avec un bruit sourd.
Rion lâcha sa lame, tomba à genoux, et pleura. Jamais la Mort ne l'avait effleuré d'aussi près.
Lorsqu'il recouvra ses sens, il était entouré de hyènes et d'hommes-lézards, mais devant la dépouille de l'hydre que cet étranger avait abattu à lui seul, ils ne ricanaient plus. Devant le jeune homme se dressait un être étrange, mi-humain, mi-bête, qui semblait être leur chef. Il était monté sur un cheval brun, et il portait simplement une légère cuirasse et une courte toge. Une de ses créatures ramassa le glaive providentiel dont Rion s'était servi et le lui apporta. L'inconnu le replaça calmement dans son fourreau. "Vous avez fait preuve d'une valeur sans égale dans cette petite épreuve, Temlak sera satisfait de faire votre connaissance." prononça-t-il clairement.
Le ton insouciant exaspéra le jeune clerc, traumatisé par le danger mortel auquel il avait échappé. Il voulu se ruer sur l'insolent mais se ravisa devant les nombreux archers qui l'encerclaient.

"Je suis Alkin, vassal du Seigneur Temlak, le gouverneur de Tivanos et le maître des marais. Vous désiriez le rencontrer, je suppose."

- C'est exact." répondit Rion. C'est alors qu'il aperçut ses camarades, et son cœur fut rempli d'allégresse. Les quatre chevaliers étaient saufs, mais solidement enchaînés. "Je souhaite cependant que mes compagnons soient libérés de leurs liens, l'accueil de Temlak est quelque peu douteux."

- Dans les marais, il est seul maître." répliqua Alkin. Et il ordonna que l'on délivre les prisonniers.

Ils cheminèrent durant toute la journée suivante, et atteignirent la forteresse de Tivanos au crépuscule. C'était une immense place forte enceinte de puissants murs, et d'une large rivière qui la contournait. Et la ville elle-même était située sous les arbres. Seul le donjon central dépassait les hautes cimes. Rion aperçut les mêmes formes ailées que celles du pic de Devongh qui tournoyait au dessus du bâtiment, mais elles étaient plus menaçantes et leur vue lui était profondément désagréable, comme repoussante. Tivanos était peuplée d'immondes créatures à l'aspect corrompu par l'atmosphère des marécages, et elles se montraient agressives envers les prisonniers d'Alkin. Mais elles semblaient toutes descendre des humains, si difformes soient-elles, et n'étaient pas aussi menaçantes que les armées de la Mort.
Il y avait là toutes sortes de sauriens bipèdes, de serpents et d'insectes géants. L'escorte des lézards arriva au pied du large donjon. Alkin entra seul, et les hommes de la Phalange attendirent un long moment. Puis on leur fit signe d'entrer, et ils montèrent le grand escalier, toujours accompagnés de leurs geôliers. Après une montée interminable, ils débouchèrent enfin sur une grande salle, située au sommet, sans aucun ornement, où s'agitaient une horde de créatures à sang froid. Quand les prisonniers entrèrent, elles cessèrent leurs activités et s'écartèrent lentement. Au centre de la pièce, assis sur un haut siège de pierre taillée, trônait un grand homme-lézard, aux larges écailles d'un sombre bleu turquoise. Les mains jointes, il fixait Rion de ses yeux jaunes de reptile, où se reflétait la flamme des torches. Il avait dû être jadis un grand seigneur, car le fond de son regard inspirait encore du respect. A sa droite se tenait Alkin.
Puis Temlak se leva, et son lieutenant lui tendit le cor dont Rion avait sonné, et qu'il avait perdu dans la bataille. Lorsque les hommes d'Ahrin se furent approchés, il rendit la corne d'ivoire au jeune clerc et déclara : "Cela fait bien longtemps que nous n'avons plus de relations avec les hommes d'Elemaan, pourquoi sollicitent-ils le peuple des marais, à présent ?"

Alors Rion conta les derniers événements qui avaient entraîné la guerre, en essayant de convaincre le chef de se joindre à la cause des habitants du royaume.

"Nous ne servons pas nos intérêts en vous soutenant." rétorqua Temlak. "Ceci est votre guerre, et les Nécromants ne nous ont pas provoqué."

Rion baissa les yeux. Il y eut un long silence pendant lequel les deux parties méditaient. Puis soudain le clerc brandit le collier d'Ahrin, sans prononcer un mot, et les lézards furent stupéfiés. Temlak considéra l'artefact, et serra le poing. Il le saisit et en cassa brutalement la corde. Le silence fut rompu par les bruits secs des lourdes dents qui chutèrent sur le sol dur. "Nous viendrons." dit posément l'homme-lézard.





 


   
Epilogue
Ahrin s'élança sans réfléchir, et déclencha l'attaque du même coup. La cavalerie percuta les derniers rangs d'ogres et s'engouffra telle une vague surpuissante dans Tanihis. En passant sous l'immense porche, elle écrasa plusieurs dizaines de squelettes. Les fantassins qui avaient détruit les machines de guerre et exterminé les liches surgirent à leur tour derrière les troupes de la Mort déconcertées. Le gros des cavaliers empêchaient maintenant les Nécromants de franchir l'enceinte. Mais les autres poursuivaient les Monstres, qui avaient détruit les portes, pénétré la ville et anéantissaient tout ce qui se trouvait à leur portée. Il s'agissait d'ignobles créatures au pelage gris, corrompues par les Maîtres de Guerre barbares
Elles mesuraient trois fois la taille d'un homme et en égalaient vingt lorsqu'elles frappaient de leurs griffes tranchantes. Ahrin commit l'erreur d'attaquer un Monstre de face, et avant qu'il n'ai pu seulement brandir sa masse, la bête donna un puissant coup latéral, et le cheval d'Ahrin poussa un furieux hennissement de douleur. Il s'effondra dans sa course. Alors le Monstre se précipita vers le chevalier désarçonné. Mais à l'instant même où il allait asséner un véritable coup de massue de sa patte mortelle, une flèche à empennage bleu perça sèchement son œil. La bête lança un faible cri rauque, et Ahrin n'eut que le temps de rouler de côté afin de ne pas finir écrasé sous le corps du Monstre.
Elden attrapa promptement une autre flèche dans son carquois, et choisit une autre cible. Des sonneries de cors et de trompettes retentirent. Et du second porche de la ville surgirent de majestueux cavaliers montés sur des chevaux blancs. La garnison de Tanihis sortait, à la venue des renforts. Elle vint soutenir les hommes qui bloquaient l'entrée de la cité aux morts, tout en permettant à l'infanterie d'Ahrin de se mettre à couvert. Le valeureux chevalier était déjà remonté sur un autre cheval, et combattait les derniers Monstres, et les autres affreuses entités qui avaient pu s'introduire dans la place
Les forces d'Elemaan reculaient à présent sous la poussée des squelettes, qu'elles disloquaient par dizaines. Mais les archers du chemin de ronde n'étaient pas restés inactifs, et lâchèrent brusquement une volée de gerbes de flammes sur les assaillants, et leurs rangs furent brisés. L'infanterie d'Ahrin qui essayait de rentrer dans la ville put enfoncer aisément l'armée noire et se réfugier derrière les enceintes. Lorsque le dernier hallebardier fut passé, on apporta de grands blocs de pierre et on barricada sommairement l'entrée.
Ahrin passait et repassait devant ses hommes, alignés en rangs précis. La faible lueur de l'aube faisait briller l'oiseau blanc sur son épaulière. Les effectifs disponibles ne pouvaient rivaliser avec ceux des Nécromants, qui attendaient de nouveau, dehors. Mais ce qui l'inquiétait, c'était de n'avoir aperçu aucun membre de l'état-major de l'armée ennemie pendant la bataille. Aucun lieutenant, aucun général, ni même aucun maître de guerre. Les troupes semblaient obéir à des consignes précises.
Il avait mandé Théodorus, mais le prêtre s'était enfermé dans le Sanctuaire et refusait d'interrompre ses incantations. On n'avait eut aucune nouvelle du Grand Clerc.
Soudain, un guetteur donna l'alerte. Les morts s'étaient remis sur pied, et ils attaquaient déjà. La peur s'empara des hommes d'Elemaan, mais la vue d'Ahrin leur donna le courage de résister encore.
Plusieurs Monstres faisaient cette fois partie de l'assaut, et leurs rugissement propageaient la terreur chez les assiégés. Les liches couvrirent leur offensive. Les blocs de roche résistaient aux coups répétés des lourdes créatures, mais au bout d'une heure ils basculèrent et l'entrée de la ville fut à nouveau découverte. Les événements se précipitèrent. Les troupes attendaient les Monstres et ils furent criblés de flèches enflammées, alors que les clercs faisaient surgir des murs de feu devant eux. Mais la voie était libre et les squelettes se pressaient déjà à l'entrée.
C'est alors que surgit de leurs rangs un furieux Chevalier Noir, et il passa entre les flammes, tel une maléfique apparition sortant des enfers, montée sur un cheval de ténèbres. Il s'engouffra dans Tanihis à vive allure, en fauchant quelques hommes au passage, et disparut vers le centre. Personne ne put l'arrêter, les troupes ennemies pénétraient déjà dans la ville. Alors Ahrin lança sa compagnie dans la bataille, et, chevauchant en tête avec sa Phalange, ouvrit un passage à ses combattants dans l'armée des morts. Il sortit de la ville. Elden regarda passer le Diable Noir, et un pressentiment l'horrifia. Il arracha une flèche elfique des mains d'Eylorn, qui combattait à ses côtés, descendit promptement des remparts, prit une monture et s'enfuit au galop dans la cité.
Théodorus terminait une incantation, quand il entendit des cris de terreur s'élever à proximité. Il se rendit à la fenêtre et vit une ombre imposante gravir quatre à quatre les marches du Temple. Il courut à la grande salle. Le Chevalier entra dans l'édifice, et monta le dernier escalier. Il aperçut le Grand Prêtre agenouillé devant l'autel sacré. Alors il se rua vers lui en sifflant. Mais lorsqu'il voulut tirer son sabre pour l'abattre, sa lame resta dans le fourreau. Il avait passé le porche du Sanctuaire. "Arrière Démon ! Tu profane un lieu divin !" cria Théodorus. Mais le Chevalier poussa un rire ignoble, et leva sa main qui s'enflamma de ténèbres, étouffant toute la clarté qui régnait. Alors Elden lâcha sa corde, et le cœur du Nécromancien fut transpercé par un trait de lumière. Avec un sifflement de rage, il s'affaissa lentement sur le sol.
La situation au dehors était critique. Plus les hommes détruisaient de créatures de l'ombre, et plus il en venait, interminablement. Ahrin et sa troupe étaient encerclés, à présent, et ils devaient aussi prendre garde au attaque traîtresse des Rocs. La Phalange ne comptait plus, hormis Ahrin lui-même, que deux chevaliers, et leur fin était proche.
Soudain, des roulements de tambours primitifs résonnèrent, et le cœur d'Ahrin fut immédiatement submergé de la lumière de l'espoir. Ils furent bientôt accompagnés de chants harmonieux, puis de sonneries de cors de guerre. Alors, lentement, aux sommets des collines alentour apparurent successivement une gigantesque armée de monstrueux lézards, une autre de beaux Elfes, accompagnés de Nains et de centaures, et enfin un contingent de valeureux combattants de Xilbor. Puis l'assaut fut lancé. Temlak s'élança en hurlant, suivit de Rion et d'Alkin, et des quatre chevaliers d'Ahrin, et Thorgrim et Layboor firent de même. Le choc fut effroyable. Les Nécromants et les barbares refluaient en désordre. Les Dragons de Devongh calcinaient des dizaines de morts-vivants, alors que leurs frères des marais empoisonnaient nombre d'ogres et de Rocs. La cavalerie d'Elemaan balayait des rangs entiers d'ennemis en une seule charge, et les hydres tuaient les fuyards.

Temlak combattait avec Ahrin : "J'ai douté de ton soutien." lui dit le chevalier.

- Le jour où ce Dragon allait me tuer, je doutais aussi du tien." A ce moment, Layboor de Manfred les rejoignit, et ils frappèrent de plus belle.

De son côté, Alkin fut brusquement désarçonné par une âme errante. Un ogre s'approcha et leva sa massue, mais Rion lança un bouclier à son compagnon, qui dévia le coup et le transperça de son glaive en se relevant. "A présent nous sommes quittes." dit le jeune clerc en riant.

Les Nécromants voyaient leurs forces considérablement réduites à chaque assaut, et déjà les barbares s'enfuyaient. Mais vers midi, le ciel s'assombrit progressivement, et Ahrin devint inquiet. La Mort revint, avec la peur qu'elle inspire. Une nouvelle armée s'avançait. La dernière armée du Royaume Désolé, dirigée par le sombre état-major de Leetaax, ses meilleurs généraux. Les troupes étaient innombrables, accompagnés d'une compagnie entière de redoutables Chevaliers Noirs, et, pire encore, de terrifiants Dragons Fantômes. Mais l'horreur saisit tous les hommes lorsqu'ils reconnurent un obscur général. Ahrin fut pétrifié, il baissa le bras, et l'Epée cessa son chant. Loanrek les observait.
Dans ses yeux brûlaient une flamme rouge, la flamme du Mal. Son paraissait avoir traversé des siècles. Il souriait toujours, mais d'un rictus sauvage et démoniaque. A cette vue atroce, l'espoir quitta tous les coeurs. Rion ferma les yeux.

Le Mal chargea. Les forces d'Elemaan livrèrent alors l'Ultime Combat, celui du Bien contre le Mal, de la Lumière contre les Ténèbres.

Alkin et Temlak furent les premiers à réagir. Au cœur de la bataille, ils décimèrent l'infanterie. Et leurs troupes les appuyaient courageusement, tandis que leurs Dragons se heurtaient aux Fantômes de l'ombre.

Les Elfes, Eylorn à leur tête, combattaient à le fois des Rocs, des morts-vivants et des barbares. Beaucoup d'entre eux tombaient mais ils avaient prit la décision de se battre jusqu'à la mort, et ne renoncèrent pas.
Le jeune clerc se rua sur son ancien maître, écrasant tous les obstacles qui l'empêchaient d'atteindre son but. Il décapita un Chevalier Noir, d'un coup sec, et abattit quelques squelettes. Sa rage était aveugle. L'image du Grand Clerc, corrompu par le Mal, l'avait rendu fou. Loanrek, lui aussi, galopait vers son disciple, l'arme au poing. Des flammes jaillirent sous le choc. Rion fit tomber la foudre, mais son maître, bien plus expérimenté, la dévia et le disciple tomba à terre. Se retournant, il brandit son épée et tua net le cheval de Loanrek. Tout en luttant par le fer, ils multipliaient les sortilèges.
C'était un combat à mort. Ensemble, Layboor et son vassal tenaient tête au plus dangereux fléau des Nécromants, la Cavalerie Noire et ses généraux. Ils chargèrent ensemble d'un même élan, et détruisirent plusieurs Chevaliers, qui prirent peur pour la première fois devant l'insigne d'Ahrin, puis ils tirèrent leurs épées et se battirent avec une volonté inlassable. Mais les Nécromanciens connaissaient aussi l'usage des sortilèges, et Layboor fut soudainement frappé par un éclair sournois. Ahrin redoubla d'effort et de courage.
L'affrontement dura jusqu'au crépuscule, mais les forces obscures, plus nombreuses, eurent le dessus. Les derniers combattants d'Elemaan étaient à bout de forces. Mais à l'image d'Ahrin, ils persévéraient.
Soudain, une immense colonne de lumière jaillit du sommet de la voûte céleste et vint frapper le Sanctuaire sur son pic rocheux. La lumière submergea les Terres Hautes, et on raconte qu'on l'aperçut jusqu'à cent lieues au sud de Middleshire. Quand les combattants aveuglés recouvrèrent leurs sens, une vision les subjugua. Dans le ciel éclairé de leur lumière, des Anges volaient.

Alors les hommes d'Elemaan ressentirent une nouvelle force en eux, et ils combattirent encore plus fort, de toutes la vitesse et la force dont ils étaient capables.

Les Anges abattaient des centaines d'ennemis de l'ombre, car rien ne pouvait leur résister, et leur puissance était infinie. Les troupes barbares fuyaient. Cette fois-ci la Mort était apportée par la Lumière, et les combattants des ténèbres découvrirent le Désespoir.

Rion et Loanrek étaient toujours face à face. Le jeune clerc attaqua d'un mouvement rapide, en faisant trembler la terre sous les pieds du Chevalier Noir, mais celui-ci para l'assaut, et asséna un rude coup du pommeau de son arme sur la nuque de son disciple qui tomba lourdement. "Tu a toujours été trop impétueux, Rion." dit Loanrek en levant son sabre. Mais son disciple, rassemblant ses dernières forces, pivota sur lui-même et contra le coup de grâce. Et toutes les forces mystiques des deux hommes s'affrontèrent. Ils restèrent ainsi un long moment à lutter silencieusement. Mais la tension était trop forte, le sabre de Loanrek cassa net et Rion, d'un coup d'estoc imparable perça son cœur noir, et libéra ainsi son âme de l'emprise du Mal.
Ahrin, profondément exténué, luttait seul, à pied, contre le dernier Chevalier Noir. Ce dernier attaqua brusquement, mais le Chevalier de Lumière s'écarta en levant sa lance, et l'abattit violemment dans le dos de l'assaillant. Mais un Dragon Fantôme surgit brusquement et sa griffe lacéra l'épaulière d'Ahrin, qui hurla sous la douleur et tomba à genoux. Le monstre revint à la charge et le chevalier reçut un nouveau coup contre son flanc. Alors il courut ramasser l'Epée Chantante, et lorsque le Dragon attaqua de nouveau, il la planta de toutes ses forces dans le poitrail du Fantôme. Et, tel une clameur de victoire, le chant de l'Epée se mêla au hurlement d'agonie du monstre, et aux cris des Anges mortels, qui exterminaient les derniers Nécromants.
Lorsque les Anges s'en furent repartis vers les hauteurs divines, Rion fit ses adieux à Alkin, qui regagnait les lointains marécages. Puis il chercha Ahrin dans l'immense camp improvisé derrière le champ de bataille. Il le trouva allongé près d'un arbre, entouré de ses lieutenants, mortellement blessé. Alors Rion demanda à rester seul avec lui, mais il ne dit rien, et se mit à pleurer. Ahrin lui souriait, car il était calme et heureux, ce soir, libéré de ses peines et de sa fatigue. Le jeune clerc le veilla bien longtemps. Et lorsque que le chevalier rendit son dernier souffle, une nouvelle étoile, plus scintillante que nulle autre, naquit dans le ciel d'Elemaan.
KenDal

 

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