Il
nous semblait logique d’inclure les fans dans le développement
du jeu. Je pense que personne ne peut être considéré comme l’expert
absolu sur la série des jeux Heroes. Avoir donc quelques douzaines
ou centaines de gens qui envoient des idées ou des avis aide à
remettre les choses à leur place et à progresser.
Quand on mène une beta, le risque existe d`être débordé par les
retours, ou d’accepter toutes les demandes. La plupart sont en
effet contradictoires, et une bonne partie rentrerait en conflit
avec d`autres décisions déjà prises, voire altérerait la direction
que nous avons choisi de donner à Heroes V. C’est donc un travail
énorme d’intégrer toutes ces opinions et d’en extraire quelque
chose. Le simple fait de garder à jour tous les feedback reçus
était un casse-tête. Heureusement la plupart des communautés a
aidé en faisant des résumés. Nous vous en remercions encore.
Un désavantage inhérent aux beta tests est la masse de travail
supplémentaire requise pour préparer les versions et les updater
sur un planning très serré. Cela peut affecter durablement la
production du jeu. On finit par être en retard pour livrer les
updates, ou pour l’avancer sur le jeu lui-même… et généralement
on finit par l’être pour tout !
Finalement un désavantage que je vois maintenant est qu’à un moment
donné, tout cela doit s`arrêter. Les beta testers, qui ont été
frustrés au départ par la quantité de bugs ainsi que par les changements
qui n’allaient pas toujours dans leur sens, sont à nouveau frustrés
car ils aimeraient participer à l`aventure plus longtemps, jusqu`à
ce que le jeu soit parfait ou presque. Mais a l`entrée de la phase
de peaufinage, traiter un flot continu de retours devient moins
intéressant et même dangereux : il faut prendre des décisions
et s’y tenir. Les débats constants n’apportent plus que du retard.
Un jeu ne peut atteindre que la perfection dictée par les contraintes
de la production.
D`un
autre côté, gérer un beta test est une expérience unique ! On
est en contact avec des centaines de fans de tous les coins du
monde, on se retrouve au coeur de débats sans fins, de résumés
historiques sur la série, de sondages, etc. Jusqu’à plus soif.
C`est aussi un challenge d’insuffler le rythme des débats, et
de faire suivre le développement avec les requêtes reçues.
Préparer
et sélectionner les participants est intéressant en soi. Avec
le formulaire d`enregistrement que nous avons mis en place, et
ses 15.000 inscrits, une image très précise du fan typique de
Heroes a été créée. L’âge moyen, par exemple, était logiquement
assez élevé, au-dessus de 24 ans. Une grande communauté (sans
site pour les rassembler) a été « découverte » en Israël. L`aspect
hardcore des fans russes a été prouvé. Le nombre important de
personnes aux Etats-Unis qui joue occasionnellement à des jeux
de stratégie, que nous devons amener à découvrir Heroes, a été
souligné. Nous avons aussi pu définir quelles étaient les communautés
influentes.
Il faut ensuite organiser le travail en avance avec les communautés
et les testeurs internes. Nous devions faire avec les contraintes
et les outils dont nous disposions, en terme de forums, de formulaire
de bugs, etc. Ainsi, le nombre de langues parlées par les joueurs
était un challenge en soi. Chaque communauté a créé des sujets
de discussion spécifiques à un langage pour réunir les avis. Les
soucis de clés d’activation ont dû être traités : comme nous avons
ajouté un mois de beta test fermé, il fallait distribuer de nouvelles
clés à tout le monde. Nous avons rencontré un problème similaire
avec l’open beta : trop de joueurs ont téléchargé la version par
rapport a nos plans.
Au final, organiser un beta test a pour but de réunir du feedback,
et nous en avons eu des pelletées. Même en supprimant les doublons,
ainsi que les suggestions irréalistes, nous avons eu bien plus
d`un millier de points à traiter, en juste trois mois. Je pense
qu’un gros tiers de tout cela a été intégré, même si le temps
que cela soit développé a empêché certains beta testers de voir
leurs idées appliquées.
Au-delà des suggestions, avoir un sentiment général sur le jeu
nous était nécessaire. A l’époque (septembre) nous avions déjà
travaillé près de deux ans, et nous commencions à avoir une vision
floue des priorités. Les salons de l’E3 et de Leipzig avaient
récolté des retours très positifs, et tous les journalistes étaient
déjà enthousiastes, mais il nous fallait l’avis des joueurs. Cela
a été possible grâce aux discussions avec les fans sur les forums,
et avec les communautés. Obtenir un avis avant la sortie n’a pas
de prix.
Finalement,
lancer une beta ouverte après une phase fermée a pour but de toucher
le plus de monde possible. On présente le jeu – dans son état
actuel, ce n’était pas une demo et donc pas du tout peaufiné –
à un vaste public, au-delà des premiers fans de la beta fermée.
Je pense que cet objectif a été très correctement atteint, malgré
les défauts de la version